« Je ne suis pas une femme architecte, je suis une architecte », voici ce que revendique Odile Deck, architecte et urbaniste française récompensée de dix prix différents, une des figures de la féminisation de la profession dans les années 90. Moins honorées et primées que leurs homologues masculins, les femmes subissent trop souvent un déficit de visibilité et de crédibilité. Et pourtant en architecture, il y a vraiment des femmes créatives. Des architectes constructives. Rendons leurs la gloire qu’elles méritent. Et que cela permette de mettre en lumière toutes celles qui ont laissé, laissent ou laisseront laissé une empreinte indélébile dans l’espace et dans le temps.
Si l’on demande au public de citer des architectes renommés, les plus renseignés répondront Tadao Ando, Jean Nouvel, Frank Gehry, Renzo Piano, Jean-Michel Wilmotte ou Rudy Ricciotti. Peu et même très très peu citeront Zaha Hadid, archi-star pionnière avec 950 projets dans 44 pays, Prix Pritzker, le Nobel de l’architecture. Ni Julia Morgan, première femme américaine admise à la section d’architecture des Beaux-Arts de Paris en 1898, qui a réalisé juste 800 constructions et entre autres l’université Mills Collège d’Oakland.
ET POURTANT ZAHA HADID
Qui citera Catherine Jacquot, première femme élue en 2013 à la présidence du Conseil national de l’Architecture? Qui connaît Norma Merrick Sklarek, première femme noire aux Etats-Unis devenue architecte et autrice du Terminal One de l’aéroport de Los Angeles? Qui évoquera Kazuyo Sejima, diplômée de la Japan Women’s University, reconnue pour son architecture pure, ascétique se voulant une réinterprétation japonaise de la modernité ?
Qui sait que c’est Manuelle Gautrand, architecte française dont le crédo est « Réenchanter la ville », qui a réhabilité la façade des Galeries Lafayette de Metz et qui a obtenu dernièrement, avec son projet Alma Terra, un ensemble d’immeubles en terre coulée, une des Folies architecturales de Montpellier ? Comment ne pas mettre en lumière Rozana Montiel, Prix International 2022 ? Mais aussi Christelle Avenier, Prix femme architecte 2002 ou encore Cristina Vega Iglesias, Prix jeune femme architecte 2022 ?
Comment ne pas parler des Architizer’s A + Awards , le plus grand programme de récompenses au monde pour l’architecture et les produits de construction, où des femmes architectes de très grand talent ont été sublimées? Les Raha Ashrafi, Stella Betts, Tatiana Bilbao, Alison Brooks ou encore Sharon Davis ou Gabriella Carillo.
LES ECOLES D’ARCHITECTES TROP LONGTEMPS FERMEES AUX FEMMES
Et pourtant, les femmes appartiennent à l’architecture depuis la fin du XIXe siècle. Leur entrée dans la filière est parallèle à celui de femmes dans d’autres cursus. Les pionnières sont souvent étrangères, américaines notamment avec Julia Morgan et Laura White. La femme architecte commence à trouver sa place réellement dans l’entre-deux-guerres et lors des Trente Glorieuses. Malgré tout, les écoles d’architectes françaises ont été très et trop longtemps closes pour la gent féminine. Le métier autant artistique que technique étant associé à une salve de professions du BTP justement très masculines.
SEULEMENT 10% A LA TETE D’UNE AGENCE
Aujourd’hui, heureusement, certaines barrières se sont levées. Et les étudiantes en école d’architecture pèsent 60% des promotions. Alors qu’elles représentaient seulement 16,6% des inscrits à l’Ordre en 2000, la part s’élevait à 30,7% en 2019. De plus en plus de femmes architectes rejoignent pourtant des agences. Par contre, on peut regretter que moins de 10% de femmes soient à la tête ou la gouvernance d’un cabinet d’architectes. Il demeure de ce fait fondamental de mettre encore plus avant les femmes architectes pour sauver la profession au féminin.