L’événement devait avoir lieu le week-end du 13 et 14 juin prochain et était attendu par tous les amateurs d’art contemporain et d’architecture. L’ouverture au public de la Collection Pinault à la Bourse de commerce de Paris est reportée au mois de septembre « en raison de la crise sanitaire actuelle ». Un contexte qui rend en effet impossible de mettre en œuvre les dernières opérations préalables à une ouverture « dans les conditions souhaitées et les délais prévus ».
Il faudra donc attendre la rentrée pour découvrir la nouvelle enceinte ronde de la Bourse de commerce réhabilitée par l’architecte japonais Tadao Ando. Le projet aura nécessité un peu plus de deux ans de travaux et la collaboration de trois autres architectes. Pierre-Antoine Gatier, architecte en chef des monuments historiques, l’édifice bénéficiant de protections au titre des monuments historiques. Et deux jeunes architectes français, Lucie Niney et Thibault Marca, créateurs de l’agence NeM.
Un lieu à la fois historique et contemporain
Grâce à leur intervention, l’édifice de la Bourse de commerce de Paris va connaître un nouveau souffle. Ancienne halle au blé à ciel ouvert construite au XVIIIe siècle par l’architecte Nicolas Le Camus de Mézières, coiffée de la première coupole en fer et fonte de grande portée conçue par l’architecte François-Joseph Bélanger et l’ingénieur François Brunet en 1812 et recomposée en Bourse de commerce par l’architecte Henri Blondel en 1889, le lieu est chargé d’histoire. Pour Tadao Ando, l’enjeu était multiple. Il fallait non seulement imaginer un parcours d’exposition cohérent avec la structure de l’édifice, mais aussi restaurer et révéler les différentes étapes de vie du bâtiment. Le tout en insufflant une touche contemporaine à l’ensemble pour répondre aux exigences de modernité du projet.
Un projet ambitieux et spectaculaire
« En hommage à la mémoire de la ville, gravée dans les murs de la Bourse de commerce, j’ai créé un nouvel espace qui s’emboîte à l’intérieur de l’existant pour revitaliser l’ensemble du volume qui sera dédié à l’art contemporain. L’architecture comme trait d’union entre le passé, le présent et le futur. » Tadao Ando.
La réponse architecturale du maître japonais est ambitieuse et audacieuse. Son projet est radical tout en suivant scrupuleusement les repères architecturaux et historiques de l’édifice. Encore une fois, l’architecte démontre sa capacité à concilier le respect des traditions et les exigences de la modernité. L’extérieur du bâtiment et ses éléments classés – façades intérieures, verrières, peintures – ont été́ restaurés dans le respect de leur état historique. L’intérieur a été́ enrichi spectaculairement par la création d’un ouvrage architectural de forme circulaire. Tadao Ando a imaginé un cylindre en béton lisse, de neuf mètres de haut et trente mètres de diamètre, qui s’emboîte à l’intérieur de l’espace existant. Les volumes ainsi réorganisés donnent naissance à un espace d’exposition central sous la coupole et à une zone de circulation en coursive desservant les parties ouvertes au public, notamment les salles d’exposition en périphérie sur trois niveaux.
Au total, 7 700 m2 seront accessibles dont 3 000 pour les expositions de la collection Pinault, à savoir près de trois mille œuvres des années 1960 à nos jours. Le bâtiment abrite également un restaurant au dernier étage – confié aux chefs aveyronnais Michel et Sébastien Bras – et un auditorium de trois cents places en sous-sol. Le musée pourra accueillir simultanément quelque deux mille visiteurs.
Retour sur un parcours exceptionnel
La reconversion de la Bourse de commerce est, à ce jour, la plus importante réalisation confiée à Tadao Ando en France. Mais l’architecte japonais a déjà participé aux autres projets de musées entrepris par François Pinault à Venise. La rénovation en 2006 du Palazzo Grassi, complétée en 2013 de son auditorium, le Teatrino, et la réhabilitation de la Pointe de la Douane en 2009.
Au Japon, l’architecte autodidacte est à l’origine de nombreux projets à Osaka, sa ville natale, mais aussi à Tokyo ou encore Kobe. La renommée de Tadao Ando est aujourd’hui internationale et lui a valu de recevoir de nombreuses distinctions parmi lesquelles le prestigieux prix Pritzker en 1995.
Des récompenses qui saluent son style parfaitement reconnaissable. Tadao Ando privilégie les formes géométriques simples (cercle, carré ou rectangle) avec une prédilection pour le béton brut, qu’il travaille afin d’obtenir des aspects lisses, brossés ou vernis. Il aime le voir changer avec le temps et capter la lumière. Par l’économie de moyens et le dépouillement qui les caractérise, ses œuvres s’inscrivent dans le sillage d’une certaine tradition japonaise tout en s’inspirant des styles occidentaux de Le Corbusier, du Bauhaus ou encore de l’architecte américain Louis Kahn.
Pour compléter votre information, visitez les différents projets de Tadao Ando.